Les crocodiles cavernicoles oranges
"Cette découverte est intéressante à plus d'un titre. Découvrir une population animale avec un patrimoje génétique qui diverge pose de nombreuses questions sur les raisons de cet isolement. En tant que géologue, l'idée d'un forçage géologique à travers le rejeu de failles qui aurait individualisé un compartiment et isolé une population me séduit au plus haut point."
Dr David Sebag
Une découverte unique
Les grottes d'Abanda découvertes au Gabon hébergent une population de crocodiles cavernicoles. Ces reptiles passent toute leur vie dans ces grottes et ont dû s'adapter au milieu. Découvrez avec nous ces animaux exceptionnels que l'on trouve au fond des grottes du Gabon.
Comment ces crocodiles se sont-ils retrouvés dans les grottes d'Abanda ?
C'est une question à laquelle nous n'avons pas encore de réponse définitive. Le réseau des grottes d'Abanda est creusé sur un système de fractures. Une partie de ces crocodiles vivent complètement isolés de l'extérieur, le seul accès possible au réseau se faisant par un aven de 7m de profondeur.
Nous pensons que des accès vers l'extérieur existaient par le passé, et qu'ils ont été comblés par les sédiments, empêchant les crocodiles de sortir.
La question à laquelle nous essayons de répondre est la raison de la présence initiale des crocodiles dans le réseau.
Combien sont-ils ?
Au cours des deux expéditons Abanda 2010 et Abanda 2011 organisées par l'IRD et la Fondation Liambissi, une vingtaine de crocodiles différents ont été observés dans le réseau. Presque tous ont pu être capturés par Dr Matthiew Shirley qui les a marqués, mesurés, puis relâchés sur le lieux de capture.
Sont-ils différents de leurs congénères extérieurs ?
Tout à fait ! Si leur aspect physique rappelle évidement le crocodile nain (Osteolaemus tetraspis), ils sont beaucoup plus trapus, aveugles, et leur peau est d'une couleur orange clair à orange vif, ce qui n'a jamais été observé en extérieur.
Le plus grand specimen prélevé mesurait 1,70m. Cette taille est considérable et il s'agit certainement d'un animal très agé. Nous avons vu plusieurs autres individus mesurant plus d'un mètre.
Notre hypothèse pour leur couleur orangée est qu'il s'agit d'une attaque chimique de la peau par le milieu dans lequel ces reptiles vivent. Ils baignent 24h sur 24 dans une eau croupie dans laquelle fermentent les excréments de chauves-souris. L'odeur est d'ailleurs presque insoutenable.
Et génétiquement ?
Les premières analyses ADN effectuées en 2010 ont montré une différence génétique de l'ordre de quelques pourcents entre les crocodiles des grottes et ceux que l'on trouve ailleurs au Gabon. Il pourrait donc s'agir d'une population en cours de spéciation, isolée depuis quelques millénaires. D'autres échantillons sanguins ont été prélevés en 2011, tant sur les crocodiles des grottes que sur ceux que l'on peut trouver dans les rivières environnantes. Le nombre d'échantillons que nous avons permet d'avoir des résultats statistiquement significatifs.
De quoi se nourrissent-ils ?
Ces crocodiles vivent dans le noir presque absolu. Il ont accès à une nourriture rare et peu diversifiée. Les prélèvement stomacaux obtenus par régurgitation montrent un régime alimentaire original. Les crocodiles de l'extérieur se nourrissent de crevettes, de crabes, de grenouilles, tandis que l'on retrouve au menu des crocodiles cavernicoles des criquets, des chauves-souris, des insectes, et de grosses masses d'algues.
Quelles sont les prochaines étapes de vos recherches ?
Nous souhaitons comprendre pourquoi ces crocodiles se sont retrouvés dans ces ces grottes inhospitalières. Est-ce pour survivre à un changement climatique passé? Est-ce pour échapper à un prédateur ? Se sont-ils retrouvés piégés ici ?
Autant de questions auxquelles notre expédition de 2015 apportera ses réponses (pré-rapport de l'expédition Abanda 2015 lisible ici).
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